tiroir de cette table vous trouverez une rame de feuilles blanches. Prenez-en quelques-unes, examinez-les une à une, contrôlez-en la filigrane à contre-jour. Puis pliez-les en quatre et mettez-les dans la poche intérieure de votre veste. Et fermez bien le bouton!».
Je fis ce qu’il me demanda, et je retournai à ma place. Rol n’avait pas quitté la sienne, nous ne nous étions même pas effleurés. Pendant un instant, il baissa la tête en arrière, «écrivit» en l’air avec son crayon à papier célèbre parmi les habitués revêtue de bambou. Tout de suite après, il me demanda de prendre de ma veste les feuilles blanches que j’avais contrôlées une à une et que moi seul avais touché. Sur la feuille la plus à l’intérieur était écrit au crayon gris la réponse à ma question: «Ce serait du bénévolat sans sacrifice, donc il n’aurait aucune valeur (ici, un mot indéchiffrable, n.d.r.) de l’esprit de Rol».
Il me pria de lui donner la feuille: avec le même crayon (utilisant un caractère plus marqué) et avec la même calligraphie c’était incomparablement la sienne celle qui est apparue tout d’un coup dans ma poche, comme si le graphite s’était déposé en provenant de l’air Rol écrivit : «propriété de Monsieur Vittorio Messori, 11 avril 1989. R.» Il l’enroula et me la rendit «en souvenir».
En 1993, Giudetta Dembech publie son deuxième volume de «Torino Città Magica» [Turin, ville magique], éditions L’Ariete. Un vaste chapitre est consacré à Gustavo Rol. En voici un extrait:
C’est Rol qui parle:
«Tullio Regge [candidat au prix Nobel pour la physique] est venu chez moi, il était accompagné par sa femme, par un professeur de médecine, très connu et par une autre personne. Il ont amené des cartes, on n’a jamais utilisé quelque chose qui m’appartenait. Pendant l’expérience, ils m’ont demandé de rester les mains derrière le dos de ma chaise. Je n’ai jamais rien touché. Regge mélange les cartes en les tenant cachées sous la table. Je lui ai dit: «Pensez à une carte. Pensez-y seulement, ne la cherchez pas».
«C’est fait»
«Maintenant mettez le paquet sur la table»
«Je peux changer la carte à laquelle j’ai pensée? En choisir une autre?»
«Bien sûr, changez-la donc…»
«Alors j’en ai choisi une autre»
«Mélangez encore vos cartes». J’avais toujours les mains derrière le dos de la chaise.
«Maintenant posez les cartes sur la table et coupez où vous voulez…»: et voilà un as de trèfle.
«C’est celle à laquelle j’ai pensé la deuxième fois… refaites-le!»
«Je ne peux pas le refaire, je ne suis pas Dieu qui peut répéter les choses à l’infini. L’expérience a réussi mais je ne peux pas la refaire…»
« Mais moi, je ne peux pas l’admettre. Il faudrait que vous vous fassiez examiner par un prestidigitateur, afin d’être sûrs que nous n’avons pas tous été influencés, ou que vous avez fait quelque chose dont nous ne nous sommes pas rendus compte… Scientifiquement, je ne peux pas admettre une chose pareille…»
Commentaire de Dembech:
«S’il y a quelque chose qui irrite profondément Rol, c’est justement de lui demander d’être aidé par un prestidigitateur, c’est un sujet qui le fait sortir de ses gonds. Toute expérience qui sort de ses mains, provient de l’Esprit, d’une force supérieure extra-humaine; pourquoi se retrouver en face de professionnels de l’astuce et de l’illusion? Que pourraient-ils connaître d’autre qu’astuces et tromperies? Il y a de nombreuses années, Silvan [prestidigitateur italien] lança à travers une émission télévisée populaire un défi à Rol: «Venez donc ici, nous sommes en mesure de refaire chacun de vos expériences en utilisant des truquages…». Quelque temps avant en revanche, en privé, ce Silvan avait téléphoné à Rol le priant de lui révéler le secret de ses phénomènes avec les seuls pouvoirs de l’esprit. Peut-être s’est-il senti vexé par la réponse?»
En 1995, l’année après la mort de Rol, sort le livre du journaliste Remo Lugli. Il s’agit probablement du livre le plus complet pour sa richesse de données et anecdotes, et pour la fidélité avec laquelle sont reproduites un grand nombre d’expériences. En voici quelques-unes:
Témoignages du Prof. Diego de Castro, ex-directeur de l’Institut de Statistique de l’Université de Turin (article de La Stampa du 20.08.1978)
«Rol, en plein jour, vers 13 heures, fit cette expérience chez mon beau-père où il avait été invité à prendre le petit-déjeuner. Pas chez lui. Je pris, par hasard, un livre parmi une trentaine de volumes, tous reliés de la même manière: puis je choisis trois cartes d’un paquet de cartes qui se trouvait dans la maison, pour déterminer le nombre de pages, il me fit mettre le livre sur ma poitrine et chantonner une espèce de berceuse (oh, oh, oh) pendant quelques secondes. Il ne toucha jamais le livre, dont l’auteur était Victor Hugo. Il dit en français: «les Valentinois dormaient avec leurs ours». La première ligne de la page choisie par les cartes disait: «les Valentinois dormant avec leurs ours». Le livre n’avait jamais quitté mes mains, son choix et le choix de la page étaient un pur hasard: j’ignorais de quel livre il s’agissait. Truquage? Je demande une explication, car nous répétâmes l’expérience avec un livre allemand et un autre italien et nous obtînmes toujours les mêmes résultats».
Témoignage de Monsieur Aldo Provera, entrepreneur, un ami cher de Rol et son exécuteur testamentaire:
[Au casino de Menton] «… traversant les salles, nous nous arrêtions un instant aux différentes tables pour assister au moins à un jeu et alors que le croupier faisait tourner la roue, Gustavo écrivait un nombre sur une petite feuille qu’il me mettait dans la main: «Attends un moment» disait-il. Et quand la bille était entrée dans la case, je regardais le billet: invariablement la prévision coïncidait. «Je ne me trompe pas car je ne joue pas» commentait-il».
[prof. Ferruccio Fin] «Nous étions six dans mon appartement de Corso Matteotti. Nous avons mis dans les mains de Rol une brindille pris d’un vase et il l’a jeté contre le mur: la brindille n’est pas tombée mais a disparu. Nous sommes allés dans la pièce d’à côté, derrière le mur: la brindille était sur une armoire placée contre le mur».
[prof. Guasta] «Un soir, dans les années ’80, Rol vint chez moi, sur les collines de Turin. Nous étions Marisa, lui et moi. Il prit un jeu de cartes et dit: «Regardez: maintenant vous le ferez gonfler car je veux qu’une carte sur deux se retourne». Nous contrôlâmes le paquet: les cartes étaient toutes retournées dans le même sens. Nous le mélangeâmes, nous le posâmes sur la table et Rol passa sa main au-dessus du paquet, sans le toucher. Le paquet gonfla, en s’élevant de plus d’un centimètre et puis peu à peu s’abaissa. Nous le contrôlâmes de nouveau et une carte sur deux était retournée. Il répéta l’expérience plusieurs fois, et dit enfin: «Essayons donc ceci: mettons au-dessus du paquet une bouteille de manière à ce qu’il ne puisse pas gonfler». Ainsi fit-il: le jeu de cartes resta comprimé, mais à la fin, nous constatâmes que les cartes que l’on devait retourner, s’étaient retournées quand même».
Lugli dit: «Dans les années ’80, quand Guasta avait son cabinet de dentiste à Turin, Corso Fiume (à moins de 1 km à vol d’oiseau de la maison de Rol), Gustavo l’appelait parfois l’après-midi pour bavarder. Guasta avait peut-être un bon nombre de clients dans la salle d’attente, mais le plaisir de parler avec son ami était tel qu’il ne pouvait pas refuser l’entretien. «Et après les bavardages» dit Guasta, «il était facile que Rol propose de passer à des expériences. Il me disait de prendre un jeu de cartes et d’essayer de le lancer comme il avait l’habitude de le faire, de manière que toutes les cartes se répartissent sur une seule ligne. «Tu veux qu’une carte se retourne? Dis-moi laquelle. «Je disais, par exemple, le cinq de carreau qui apparaissait sous mes yeux. C’était une émotion sensationnelle. Mais je ne me faisais aucune illusion: je faisais seulement le geste, celui qu’il me demandait de faire, à travers notre connexion téléphonique et pas une fois il ne se trompait».
[Un jour] «Gustavo m’a dit: «Toi, maintenant, tiens-toi prêt à lancer les cartes en l’air et pense à une carte, mais ne me dis pas laquelle. Quand tu l’auras choisie, lance-les». J’ai pensé à l’as de cœur et puis j’ai lancé, et l’as de cœur s’est retourné. A l’autre bout du fil, Rol était content, il riait. Puis, après que nous ayons fini notre conversation, je me suis naturellement longtemps acharné à les lancer de nouveau en pensant qu’une carte se retournerait, mais en vain».
Toujours en 1995 parut Rol oltre il prodigio, aux éditions Gribaudo, de Maria Luisa Giordano, son amie depuis plusieurs années. Elle raconte ce qui s’est passé le jour de Noël 1978, quand elle alla lui rendre visite, en compagnie de sa mère et de la sœur de Rol, Maria:
«Après avoir bavardé un peu, il me demanda si je voulais un petit chocolat, je répondis non, alors il me demanda «Préférerais-tu deux cerises?». Je me mis à rire, ce n’était pas la saison, je restai toutefois bouche bée: après que Rol se soit concentré pendant un instant seulement, il y avait deux cerises bien fraîches, et même bonnes sur la table. Au même moment devant sa sœur Maria étaient apparues des noix et des noisettes. Il fut ensuite appelé au téléphone par des amis qui étaient au Costa Rica et qui voulait lui souhaiter de bonnes fêtes, quand je l’entendis dire «Envoyez-moi des bananes». A l’improviste sur la table devant ma mère apparurent deux bananes. Quand Rol termina sa conversation au téléphone et retourna dans le salon, il fut autant surpris que nous, il semblait amusé.»
«On était au mois de juillet, il faisait très chaud. Nous nous trouvions à l’hôpital Koelliker auprès d’un patient: les médecins soignants demandèrent à Rol de lire un traitement, malheureusement Rol avait oublié ses lunettes à la maison: «Je les vois dit-il je les vois, elles sont sur la commode «retour d’Egypte», dans mon bureau». La fenêtre de la chambre était ouverte et à l’improviste moi mais aussi tous les autres médecins vîmes arriver ses lunettes qui, tout en vibrant dans l’air, se déposèrent sur ses genoux. Sans donner d’importance à la chose, avec une grande désinvolture, il les prit en main et se mit à lire l’ordonnance: nous étions tous en train de le regarder stupéfaits.
«Une autre fois, nous allâmes avec Gustavo dans une trattoria où nous n’étions jamais allés auparavant. Après avoir franchi le seuil, il demanda à la patronne du restaurant qui était en train de servir des clients: «Où avez-vous passé vos vacances l’été dernier?» La dame ne lui répondit pas car elle avait trop à faire, elle eut même un geste d'agacement. «C’est moi qui vous le dirai, alors dit Rol ouvrez la nappe que vous avez sur le bras». Elle prit la nappe, et l’ouvrit. À l’intérieur, il y avait écrit le lieu et la date des vacances de la dame. «Mais qui êtes-vous? Vous me faites peur.» s’exclama-t-elle effrayée».
En 1996, sort le livre du Prof. Giorgio di Simone, Oltre l’umano. Gustavo Adolfo Rol, aux éditions Reverdito.
Voici quelques expériences:
«Comme d’habitude Gustavo ne touchait pas les cartes. A un certain moment, chacun de nous (et nous étions 11!) mélangea soigneusement un paquet de cartes après que l’extralucide nous ait fait choisir ensemble la carte cible: cette fois-ci, nous concordâmes pour le neuf de carreaux. Après avoir coupé les 11 tas de cartes, ils furent déposer sur le tapis vert, devant Rol qui ne fit rien d’autres que les couvrir avec le bord du tapis de manière que vers lui le tapis était rabattu alors qu’il restait évidemment ouvert et replié sur les cartes, vers nous. Et là, il arriva un des phénomènes les plus stupéfiants de la série, un phénomène qui, semble-t-il, peu de personnes ont vu, du moins de manière aussi claire et évidente, à la lumière d’un grand lustre: Gustavo passa ses mains sur les onze tas de cartes recouverts par le tapis vert, mais sans les toucher. Ses mains se déplaçaient à 3-4 centimètres au-dessus du tapis et quelques secondes plus tard nous nous aperçûmes tous que sous le tapis les tas de cartes s’animaient eux-aussi. Les passages (magnétiques?) de Rol duraient très peu de temps et la ligne formée par les 11 paquets recouverts semblait vivante, elle bougeait comme si elle était parcourue d’une vague invisible. Le dynamisme des cartes ayant cessé, on releva le bout de tapis qui les recouvrait, et nous pûmes constater que le neuf de carreaux s’était effectivement et «obéissamment» transféré au sommet de chaque paquet, comme première carte (…). Je n’ai pas été témoin en revanche d’un phénomène semblable survenu, paraît-il, dans le cadre de la Curie archiépiscopale napolitaine, quand les paquets de cartes furent au nombre de 111 (cent onze !!!!!!!) et où la première carte de chaque paquet était la même».
Récit d’un des présents à une soirée d’expériences: «Puisque je devais sortir de chaque paquet une carte d’une certaine valeur et couleur (je ne me rappelle plus de laquelle), entre stupeur et égarement, je vis que les cartes sautaient toutes seules du paquet, comme ça (il fit le geste) une derrière l’autre, et naturellement seules celles qui étaient recherchées et demandées se soulevaient, et se disposaient comme le désirait Rol !!…»
Di Simone raconte: «Il me demanda de tenir, après les avoir mélangées, deux jeux de cartes face cachée, un dans chaque main. Il me fit choisir mentalement une carte et je choisis l’as de cœur (choix plutôt banal, mais esthétiquement agréable). Il me demanda donc de lancer en faisceau les cartes des deux paquets, de manière à former un x. Je le fis : et c’est là qu’arriva l’énième merveille: au centre de ce x, alors que toutes les autres cartes étaient restées face cachée, les deux as de cœurs apparaissaient bien visibles!»
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cela signifie que nous ne sommes pas seuls, n’ayez pas peur». Et ensuite tout redevenait normal.»
« Je me trouvais sur le balcon avec un forgeron qui était en train de faire des travaux un marteau à la main. Au même moment arriva Gustavo Rol. Et en plaisantant, je dis au forgeron: "Vous savez qu’il est capable de faire passer la boite à outils à travers le mur?” Le forgeron sourit curieusement étonné et incrédule. Alors Rol se fit donner le marteau et le lança contre un mur. Le marteau disparut, nous allâmes dans l’entrée, il se trouvait sur le fauteuil à côté de la statue de Napoléon: il était passé à travers trois murs».
«Un soir, je dus aller aider Rol à porter un tableau sur la voiture d’une dame qui était venue le voir et qui voulait ensuite le raccompagner. Je les accompagnai à la Topolino de la dame, qui était garée sur le boulevard. La dame était gênée et lui dit: "Je suis désolée, ma voiture est trop petite, elle est parfaite pour le professeur Valletta, mais vous, vous n’arrivez pas à y entrer ". "Ne vous inquiétez pas madame", lui répondit Rol, "tout ira au mieux". A l’improviste, il devint tout petit, et put s’asseoir dans la voiture avec désinvolture. J’étais effaré, mes jambes tremblaient».
«Une autre fois, je devais aller acheter des ampoules chez un grossiste, Rol me demanda de prendre le tramway numéro 16: "Toutefois", insista-t-il, "ne prenez pas le premier qui passe car ses portes ne peuvent pas s’ouvrir ". J’allai à l’arrêt de l’autobus et fis comme il m’avait dit auparavant: le tram numéro 16 arriva en effet bondé de passagers qui protestaient et battaient sur les vitres car les portes étaient bloquées».
Madame Giordano continue: «La princesse Marie Béatrice de Savoie raconte ce témoignage intéressant: «Dans les années trente [en 1938], ma mère [Maria José, reine d'Italie] mit à l’épreuve Rol pour retrouver une parure de diamants disparue du coffre-fort du Quirinal. Elle l’appela au téléphone et en quelques minutes, il résolut l’énigme : «Elle se trouvait dans le troisième tiroir à gauche du bureau dans son anti-chambre». "C’était vrai: quelqu’un, après que maman soit rentrée d’une visite au Vatican, y avait déposé la parure, dans l’intention de la remettre en place le lendemain. Et puis il avait sans doute oublié. "».
En 2002 parait un autre livre sur Rol. Il s’agit de Gustavo Rol. L’uomo, la vita, il mistero, aux éditions Età dell'Acquario, du journaliste Maurizio Ternavasio. L'auteur est le premier à écrire une biographie sur Rol sans l’avoir connu. Ce livre est une discrète synthèse de ce qui a déjà été dit précédemment. Il recueille certains témoignages inédits de valeur sûre, une sorte de documentaire. En particulier, on signale le témoignage du dr. Carlo Buffa di Perrero, un professionnel qui, entre autres choses, est aussi un prestidigitateur. Ainsi l’introduit Ternavasio:
[Carlo Buffa di Perrero] «Il a été, avec son père, l’un des fondateurs du Circolo Amici della Magia [Amis de la magie, un club de prestidigitateurs], ainsi qu’ami de famille de Gustavo: leurs maisons de campagne, toutes deux situées dans la province de Turin, se trouvaient à quelques kilomètres l’une de l’autre. Entre la moitié des années '60 et '70, il arrivait souvent que les deux familles se retrouvent à Cavour dans la maison Buffa ou à San Secondo, dans la maison de Rol, ou dans l’appartement de sa sœur Maria, qui habitait Corso Galileo Ferraris à Turin, pour donner libre cours à chacune de leurs capacités, qui avaient cependant une base profondément différente».
[Buffa dit:] «"Un soir chez Maria, Gustavo demanda: 'que voudrais-tu que je fasse avec ce paquet de cartes?'. Après y avoir bien réfléchi, je répondis: 'je désire que toutes les cartes soient déchirées'. On sait en effet que, comme un bloc de papier, il est absolument impossible de détruire un jeu de cartes complet par un seul mouvement, et en encore moins en une fraction de seconde. Alors, après quelques instants, Gustavo a pris le paquet de cartes neuf qu’il avait devant lui et me l’a donné, encore fermé dans sa boite d’origine afin que je l’ouvre: et bien, toutes les cartes étaient déchirées en deux. Connaissant parfaitement toutes les astuces de ce type de jeux, je suis sûr qu’il ne s’agissait pas d’une illusion créée par un prestidigitateur: aucune technique de prestidigitation ne peut expliquer, avaloir ou rendre compte d’un phénomène de ce genre. Si quand j’étais jeune, j’étais un peu sceptique sur ce que l’on disait sur son compte, depuis lors j’ai complètement changé d’avis».
Citons encore le passage suivant de Buffa (il y en a d’autres encore), de manière à ce que les sceptiques en prennent bonne note...
«"En présence de Gustavo, mon niveau d’attention était toujours très élevé, prêt à se focaliser sur chaque petit détail. Entre autre, à plus d’une occasion, on m’a chargé au cercle de magie dont je fais partie, de démasquer celui qui affirmait avoir des pouvoirs occultes, alors que ce n’était qu’un simple illusionniste. Et évidemment ce n’était pas le cas de Rol"».
2003 a été l’année la plus féconde en ce qui concerne les biographies sur Rol. A l’occasion du centenaire de sa naissance, le 20 juin de la même année, écrivains et éditeurs ont profité de cet anniversaire pour publier de nouveaux textes. Renzo Allegri a publié Rol, il grande veggente, Mondadori, version mise à jour de son précédent texte de 1986. Parmi les nouveautés intéressantes de ce texte, il y a quelques prodiges inédits racontés par Giuditta Miscioscia, une personne qui a connu et fréquenté Rol à partir des années '70, et qui aujourd’hui comme autrefois a eu certaines possibilités dans la sphère médiumnique (mais différentes de celles de Rol et en disant "sphère médiumnique ", on a l’intention d’en identifier le type) :
«Très souvent Rol faisait recours à ses mystérieuses interventions par amusement. C’était un type amusant, farceur et il aimait être d’une joyeuse compagnie. Nous étions invités dans une des plus belles villas de Turin. La maîtresse de maison avait depuis peu acheté un grand bénitier en marbre, d’un seul bloc, un de ceux que l’on trouve dans les églises du Moyen-age. Elle l’avait transformé en une très belle jardinière et l’avait fait placée dans un coin du salon. Je la montrai à Rol avec fierté. Rol était un grand expert en antiquité. "Comme il est beau", répétait-il en l’observant attentivement et en tournant autour. "Il pèse combien?", demanda-t-il à un certain moment. Le ton joyeux de la voix avec lequel il posa la question me fit comprendre qu’il avait envie de s’amuser. "Je ne sais pas exactement combien il peut peser ", répondit la dame, "mais pour le placer là, dans ce coin, cinq ouvriers ont travaillé durement pendant plusieurs heures ". "Oh non", dit Rol, "il ne peut pas être aussi lourd". Et en me regardant: "Donne-moi la main", puis il me susurra à l’oreille: "Maintenant, on va faire une petite plaisanterie". Je voulais le lui en empêcher, il y avait des personnalités importantes dans cette maison, mais Rol était déjà parti. Il me prit la main et la serra fort. Je me rappelle que j’éprouvai une sensation bizarre, il m’a semblé de perdre l’équilibre, et je me sentais complètement étourdie car je me voyais en même temps dans deux situations différentes: j’étais assise à ma place à côté de Rol, mais en même temps je me voyais tenant la main de Rol à côté du bénitier et je le poussais. Le bénitier glissait sur le sol comme si c’était du papier mâché. Nous ne faisions aucun effort pour le déplacer, il glissait comme s’il avait des roues. Évidemment Rol avait provoqué pour lui-même et pour moi un “dédoublement”. Nous étions sortis de notre corps et, en astral, nous poussions le bénitier à travers la pièce. Tout le monde regardait étonné. La maîtresse de maison avait les mains dans les cheveux. “Voilà”, dit Rol en riant. Et par ces mots j’ai eu l’impression de rentrer en moi. Rol me susurra à l’oreille, en piémontais “Ça t’a plu?”. «Je ne comprends rien», répondis-je, «j’ai l’impression d’être ivre». Et lui, entre temps, il riait, amusé. La maîtresse de maison, effrayée et ses mains toujours dans les cheveux, était à côté du bénitier et disait: "Mais comment ça a pu arrivé? Personne n’arrive à le déplacer. Comment a-t-il fait pour passer au-dessus des tapis sans les abîmer, c’est incroyable”. Elle tournait autour du bénitier, l’observait de tous les côtés. Puis, se tournant vers Rol, elle dit: «Et maintenant, qui va le remettre à sa place?» «Ne vous inquiétez pas», répondit Rol, «nous allons le remettre à sa place». Il me prit à nouveau la main et je vis la même scène que quelque temps auparavant : nous deux immobiles à la même place et au fur et à mesure que nous avancions vers le bénitier, nous le poussions à travers la pièce. Mais Rol s’arrêta au milieu de la pièce. “Maintenant on va le laisser ici”, me dit-il amusé. “Non, je vous en prie, il va défoncer le sol”, lui répondis-je. Mais il avait déjà pris sa décision. Nous reprîmes possession de nos corps et le bénitier resta là, au milieu de la pièce. Le jour suivant, la dame dut appeler les ouvriers pour qu’ils le remettent dans le coin. “Comment avez-vous fait pour le déplacer?”, lui demandèrent-ils émerveillés. “Je ne peux pas vous le dire”, répondit la dame, “autrement vous me prendriez pour une folle ".
«Un jour, quelques années avant qu’il ne disparaisse, nous nous étions disputés. Cela arrivait souvent car moi-aussi j’ai un caractère plutôt fort. Les premiers jours de la semaine sainte il vint me voir : "Je ne peux pas passer Pâques en colère contre toi ", me dit-il. Puis il demanda : "Tu as des oeufs ?". "Oui", répondis-je. "Tu peux m’en donner une douzaine ?", demanda-t-il encore. "Tu ne les digères pas", dis-je. "A ton age, tu ne dois pas manger d’œufs ". "Non, ne t’inquiète pas, prends-en douze ". Je pris du frigo les œufs. "Maintenant mets-les en ordre sur la table, divisés en trois groupes de quatre”, dit Rol. Je ne comprenais pas la raison de cette demande, mais j’exécutai ses ordres. Il regardait, un sourire rusé aux lèvres. «Bien, maintenant dis à haute voix "oppì, oppì", comme quand tu étais petite et que tu jouais avec des petits soldats. J’avais envie de rire, car je ne me rappelle pas avoir joué un jour avec des petits soldats, mais je le contentai. 'Oppì, oppì' commençai-je à dire et mes mots semblaient libérer une force magique. Les douze œufs, divisés en trois groupes, commencèrent à bouger sur la table comme s’ils étaient vivants. Ils roulaient sur eux-mêmes et, vu leur forme irrégulière, ils se levaient et s’abaissaient comme s’ils étaient en train de marcher. Je restai bouche bée. Rol riait et m’incitait "Continue, continue, avant marche, oppì, oppì". "Oppì, oppì, oppì" continuais-je à répéter et les oeufs continuaient à marcher. Arrivés au bout de la table, je me suis arrêtée de donner la cadence et ils s'immobilisèrent. "Tu as vu comme ils sont sages", dit Rol. "Maintenant prépare donc une omelette". "Non, non", ai-je répondu quelque peu apeurée, "il y a peut-être un poussin vivant à l’intérieur". Et je les ai jetés.
«Nous revenions de Savone vers Turin, en voiture, sur l’autoroute. Arrivés au col du Turchino, nous nous arrêtâmes au restoroute pour déjeuner. A la table à côté de la nôtre, il y avait un couple. Elle était grosse, énorme. Ils en étaient déjà à la glace. Ils devaient avoir trop mangé et la dame dégustait la glace lentement, avec difficulté, car elle avait trop mangé, mais on comprenait que la glace lui plaisait beaucoup. Rol regardait de loin et ses yeux scintillaient. Je compris qu’il voulait s’amuser. Quand la dame eut fini sa glace, il plia la tête sur l’épaule de son mari et murmura, épuisée mais satisfaite: "J’y suis arrivée, je l’ai toute mangée". "Faisons-lui en manger une autre", me susurra Rol. "Non, je t’en prie, tu vas la faire mourir", le suppliai-je, mais c’était trop tard: Rol était déjà intervenu, la coupe de glace de la dame était à nouveau et mystérieusement pleine. Son mari, après avoir entendu la phrase “j’y suis arrivée”, avait regardé la coupe qui n’était absolument pas vide, mais pleine et dit à sa femme: «Et ça?». Elle regarda et pâlit. «Qui l’a apportée?», demanda-t-elle d’un filet de voix. «C’est la tienne», répondit son mari. «Impossible, je viens de la terminer» murmura-t-elle. “Tu croyais l’avoir terminée”, dit l’homme en riant. La dame était perdue. Elle regardait autour d’elle, pâle. Elle recommença à manger tout doucement, avec toujours plus de difficulté. Quand elle eut finalement terminé, elle soupira vers son époux, les mains sur l’estomac: ”Je n’en peux vraiment plus”. “Encore, encore”, répéta à voix basse Rol comme s’il donnait des ordres à une présence invisible, et la coupe de glace de la dame se remplit de nouveau. Cette fois-ci, ce fut son mari qui pâlit. “Ce n’est pas possible”, l’entendis-je murmurer d’un air désolé et il regardait autour de lui, soupçonneux. Puis il prit la coupe de glace et commença à l’observer attentivement. A la fin, il dit à sa femme : “Cette fois-ci, c’est moi qui la mange”. Il mangea la glace en silence. Il était nerveux, et dès qu’il eut fini, il se leva d’un bond énergique, mais Rol, très rapide, avait de nouveau répété “Encore, encore” et la coupe était pleine à nouveau. «Allons-nous en, ici il se passe des choses bizarres», et il poussa sa femme vers la caisse du restaurant. Rol se tordait de rire, comme un enfant.
«Nous étions à Rapallo. Nous nous arrêtâmes dans un magasin pour acheter des fruits. En haut d’un tas de poires, il y en avait une grosse, le double des autres, jaune comme le miel. «Comme elle est belle», dit Rol en la montrant du doigt, «oui, elle est magnifique», répondit la marchande de fruits. «Vous pouvez me la donner?», demanda Rol avec une petite voix timide, tel un enfant. «Bien sûr», répondit la femme. Elle prit la poire et la posa sur la balance. Moi, entre temps, je regardais autour de moi pour choisir d’autres fruits et un instant plus tard, j’entendis à nouveau Rol répéter d’une petite voix étrange: «Comme elle est belle, vous pouvez me la donner?». «Je l’ai déjà mise sur la balance», répondit la femme. «Non, non, la voilà, fit Rol. En effet, la grosse poire était encore à sa place au sommet du tas. La dame la prit et allait la poser sur la balance, mais fut surprise car la poire était déjà sur la balance. Elle regarda vers le tas et puis encore sur la balance. Elle secoua la tête et dit: «Je croyais n’en avoir qu’une seule de cette taille, mais il y en avait deux». «Et celle-là, vous pouvez me la donner?», dit encore Rol en indiquant le tas. La vendeuse restait muette et immobile. Elle lançait des coups d’œil suspects au tas de poires et puis à la balance. A la fin, elle prit la troisième poire et la posa à côté des deux autres sur la balance. «Et celle-ci?», dit Rol en indiquant encore le tas. «Je voudrais aussi celle-là», je riais, je m’amusais énormément en voyant Rol aussi content, mais je comprenais aussi l’embarras de la dame. Cette femme était maintenant effrayée. Elle avait pris tout de suite la poire et l’avait placée sur le plateau de la balance. Mais Rol en avait immédiatement indiqué une autre. «Ça suffit», dis-je, «cinq poires sont suffisantes. Elles sont si grosses que tu n’arriveras même pas à les manger» et j’ai demandé combien on lui devait. Mais la vendeuse ne comprenait plus rien, ses mains tremblaient, elle allait s’évanouir.».
«Nous étions invités dans une maison très chic. Des gens très connus de Turin et aussi un peu snobs. Rol n’avait pas envie d’y aller et mais j’insistais car je désirais vraiment qu’il vienne avec moi. Mais dès le début je m’aperçus que ce n’était pas un milieu où il pouvait se sentir à l’aise. Trop d’étiquette, trop de convenance, trop de manières. Rol était très élégant et gentleman, mais aussi simple et sympa. Je m’aperçus qu’il était nerveux car il tapotait ses doigts sur la table et il parlait par monosyllabes. A l’improviste, il me murmura à l’oreille : "Mais qu’est-ce qu’ils boivent dans cette maison!". "Ne commence pas", lui dis-je, avec l’intuition qu’il allait en combiner une. La maîtresse de maison, qui avait perçu le malaise de Rol, essayait d’entamer une conversation, mais il répondait de manière évasive. Un peu plus tard, il me dit de nouveau à l’oreille: «Mais qu’est-ce qu’ils boivent dans cette maison!». «Ce n’est pas vrai», lui répondis-je. «regarde, sur la table il n’y a aucune boisson alcoolisée». Rol me foudroya du regard. Il avait un paquet de cartes dans les mains, il se leva brusquement de sa chaise. «Je t’ai dit qu’ici on boit beaucoup», dit-il à voix haute et lança les cartes contre le mur. Dans la pièce d’à côté, on entendit un hurlement. La maîtresse de maison accourut; j’arrivai aussi avec les autres invités. Les cartes que Rol avait lancé vers le mur l’avaient traversé et étaient tombées sur la serveuse, qui était assise sur un canapé une bouteille de vin à la main. Elle était toute effrayée et pleurait. Nous retournâmes au salon et Rol me dit en souriant: «Je t’avais bien dit qu’ici on buvait”. Mais la scène n’avait pas plu et peu de temps après nous nous en allâmes».
«Une fois Rol se fâcha, ici, chez moi. Nous étions encore en train de rénover la maison et il y avait des maçons partout. Parmi eux, un jeune très bon ouvrier, mais plutôt antipathique. Il savaient tous qui était Rol et ils avaient une grande déférence pour lui, sauf ce jeune maçon. "Rol est un escroc", disait-il à ses compagnons de travail. "Il ne m’enchante pas, je ne crois à rien de ce qu’il fait, c’est de l’arnaque, un canular". Je ne sais pas pour quelle raison il était aussi hargneux et méchant contre Rol, alors que Rol au contraire avait pour lui une grande estime et une vive sympathie. «C’est un brave garçon», disait-il, en l’observant alors qu’il travaillait. «C’est un jeune qui se défend vraiment bien». J’étais désolé qu’il ait autant d’estime pour cette personne, qui elle au contraire était aussi prévenue contre lui. Un jour, je lui dis: "Bien sûr qu’il est bon dans son travail, mais il se moque toujours de toi, il ne croit en rien de tout ce que tu fais et il parle mal de toi». Rol ne répondit pas. Mais mes mots l’avaient touché. Quelques jours après, étant venu me rendre visite, et ne voyant pas le jeune maçon, il me demanda: «Où est ce garçon si bon?». “Je crois qu’il est en train de travailler à l’étage du dessous, dans la tavernetta", répondis-je. "C’est vraiment un bon garçon et dégourdi en plus", dit Rol. "Tu l’estimes et lui se moque de toi”, lui répondis-je. «Mais il est bon», insista Rol et il marchait nerveusement à travers la pièce. Puis il s’arrêta à un point précis, où se trouve une chaise. «Il est là sous mes pieds», dit-il d’un ton sérieux. Puis, en regardant autour de lui, il dit: «Donne-moi la brique qui se trouve sur la fenêtre». Je pris la brique et la lui donnai. Il fissa intensément le sol et puis lança fortement la brique par terre. Nous sentîmes un grand bruit et la brique disparut. On entendit un cri provenir du sous-sol. Nous descendîmes. Le jeune était par terre, effrayé. La brique lancée par Rol était à côté de lui, et il regardait le plafond d’où la brique était tombée: il n’y avait aucune trace, même pas une rayure dans le plâtre. «Vous auriez pu me tuer», dit le jeune en colère, et il ne voulut plus jamais venir travaillé chez nous».
Les deux textes qui suivent sont en revanche extraits du magazine Chi (21/02/2003 et 28/02/2003) où le journaliste Renzo Allegri a une rubrique fixe consacrée au «mystère». Il ne s’agit que d’une suite aux précédents, mais qui ne sont pas insérés dans le livre:
«J’étais chez lui, avec quelques amies à moi. Rol était un peu triste, je crois qu’il s’était disputé avec une personne qu’il aimait beaucoup. Il commença à parler de la tristesse des choses qui finissent, des rapports qui s’interrompent, des amours qui disparaissent. Il disait qu’ils ressemblent à une branche cassée, une branche qui reste presque comme une blessure inguérissable dans le paysage. Il prit une toile vierge, collée sur du carton. Il me la montra ainsi qu’aux autres personnes présentes pour que nous puissions l’examiner et constater qu’elle était vierge. Puis il la mit sur le chevalet. Devant la toile, sur une petite table, il posa la palette des couleurs, quelques pinceaux, un couteau, un petit pot avec de l’eau, bref, tout ce dont un peintre a besoin. Puis il s’éloigna et nous demanda de ne pas bouger de nos places. Il était midi, donc la pièce était très lumineuse. Il s’approcha de la cuisine où il était en train de préparer à manger. Il plaisantait, il disait des phrases amusantes, il demandait si nous voulions manger nous aussi du potage. Il était de l’autre côté du chevalet et de la toile. Nous regardâmes lui et la toile. Je savais qu’il allait se passer quelques chose d’extraordinaire, et je ne voulais rien perdre de vue. A un certain moment, le phénomène si attendu se manifesta. Les pinceaux commencèrent à bouger tout seuls: ils se levaient de la palette, ils se trempaient dans les couleurs, dans l’eau, ils volaient sur la toile, ils suivaient les mêmes mouvements que les mains d’un artiste invisible. Le travail se faisait frénétiquement, on entendait aussi le bruit que faisaient les pinceaux sur la toile. Rol riait et continuait à plaisanter. Le phénomène dura 5, peut-être 6 minutes., puis les pinceaux retournèrent à leur place, inertes. Le tableau était terminé. Rol dit que nous pouvions le regarder attentivement. Nous nous levâmes et nous allâmes le voir de plus près. Les couleurs étaient fraîches et la scène reflétait son raisonnement.».
«Un soir nous étions ici, avec un tableau, où, au milieu d’un paysage hivernal, plein de neige, on voit le chapiteau de la Madonna di San secondo. “Gustavo, la Madonna devait avoir bien froid avec toute cette neige”, dis-je. Il commença à me regarder fixement, en répétant :”Froid? Froid? Froid? La Sainte Vierge n’a pas froid”. Et au même moment une langue de feu sortit du tableau, une langue qui ressemblait à la flamme aveuglante d’un soudeur. Je courus voir, mais il ne restait aucune trace sur le tableau.».
Enfin un livre important qui se concentre surtout sur les expériences est le deuxième texte sur Rol écrit par Maurizio Ternavasio, intitulé Rol. Esperimenti e Testimonianze, aux éditions L'Eta' dell'Acquario, sorti à la fin de 2003. Ternavasio a mené une large enquête auprès des personnes qui ont connu Rol, en recueillant un grand nombre de prodiges de toute sorte, certains même surprenants. Nous vous en proposons ici une brève sélection:
[Roberto Sacco] «Bizarrement il me laissait tout faire: il ne jouait jamais avec les cartes, il restait même à une certaine distance, et en plus il s’agissait toujours de jeux neufs que les autres devaient ouvrir. Un des jeux les plus retentissants est survenu quand, ayant dans les mains toutes les cartes, Rol m’a demandé d’annoncer à haute voix celle que j’aurais choisie. Ceci dit, il m’a invité à battre toutes les cartes contre la table, de manière à leur asséner un coup fort mais pas violent. Et bien, seule la carte que j’avais choisie s’est retournée. La chose la plus surprenante est que j’ai refait au moins une vingtaine de fois ce mouvement en changeant à chaque fois de carte, seule la carte que je voulais se retournait».
«Devant de nombreuse personnes, voilant le tout avec une peu de théâtralité, il demandait:” Dans quel ordre voudriez-vous qu’elles se rangent?”. Quelle que soit la réponse, par couleur, par signe, une retournée dans un sens et l’autre dans un autre, en ordre croissant ou décroissant, l’expérience réussissait à la perfection. Et lui, je le répète pour l’énième fois car c’était la chose la plus étonnante et inexplicable, tout en ne touchant jamais les cartes , il les commandait à la baguette, il en disposait comme il en avait envie».
«Un beau jour papa, qui avait une entreprise qui s’occupait de conception, reçoit la visite appréciée de Rol. Il appelle alors son collaborateur de confiance pour lui faire connaître ce personnage extraordinaire. Dès que ce dernier se présente devant lui, Rol commence à raconter un grand nombre d’épisodes relatifs à sa vie privée. “Mais comment faites-vous pour savoir toutes ces choses?”, lui demande le collègue de mon père. Et Rol, sans se décomposer pour le moins du monde : “C’est simple : vous avez dans la poche une feuille sur laquelle se trouvent tous les événements que je viens de vous rapporter”. Et évidemment c’était la vérité.
«Il me fit choisir une carte d’un parquet, puis me dit de la faire passer de coupe ou de pointe à travers l’étagère épaisse en bois de la table rectangulaire autour de laquelle nous étions assis. Je m’exécute: la carte avait pénétré de haut en bas pour trois quarts, mais ne voulait pas y passer complètement. Sur son invitation, je continue dans mes essais sans l’abîmer. “J’ai bien peur qu’on n’arrivera pas à l’enfiler plus que ça”, susurra Rol, “essaie d’aller sous la table et de la tirer par en-dessous”. Après un peu d’insistance, elle est passée complètement à travers le bois, à part un petit morceau qui s’est déchiré.».
[Valerio Gentile] [Chez une connaissance qui voulait le mettre à l’épreuve ] «...Rol commença à indiquer une série de livres choisis par hasard dans la riche bibliothèque de l’appartement, et il sut dire les mots écrits dans chaque livre choisis et à n’importe quelle page».
[Arturo Bergandi] «...Rol m’invitait à prendre un livre de mon choix de sa très riche bibliothèque, et à lire à haute voix une ligne quelconque, à le remettre à sa place et à enfiler une main dans ma poche, où je trouvais un billet avec son écriture reportant justement le morceau que je venais de lire».
«Nous étions ensemble dans l’ascenseur de la maison, je ne me rappelle pas si nous montions ou si nous descendions. A un certain moment, il me dit: "Bergandone, vous voulez voir qu’en un instant j’arrive à devenir grand ?". Un instant plus tard il touchait de la tête le plafonnier de la cabine, puis en quelques secondes il redevenait normal. Je n’ai jamais compris comment il faisait: il ne se mettait certainement pas sur la pointe des pieds car il s’allongeait de manière étrange, incompréhensible».
...Graziella, avec son mari Gianni et avec Gustavo, se trouvait au restaurant Firenze, via San Francesco da Paola. «Plus ou moins au milieu du dîner, une amie son entrée dans le local, qui avant de rejoindre sa table, s’arrête pendant quelques minutes à la nôtre. Dès qu’elle s’en éloigne, Gianni, pour plaisanter, dit: “C’est une belle femme, mais son visage ressemble un peu à celui d’un cheval”. Gustavo monte son accord, puis se met à écrire dans l’air avec son crayon, puis il demande à mon mari de contrôler la serviette qu’il avait sur les genoux: à l’intérieur se trouvait la phrase “Son visage ressemble un peu celui d’un cheval”. Y a-t-il meilleure démonstration qu’il n’y avait rien d’organisé dans tout ceci?».
[Le journaliste de Stampa Sera Nevio Boni] «Nous étions chez le peintre Carol Rama. Après avoir montré aux présents certains petits jeux de cartes avec lesquels de temps en temps je m’amusais à avec les enfants, Rol m’a gentiment jeté son gant en signe de défi. «Vous êtes vraiment habile. Mais êtes-vous capable de faire ceci?» Et il a commencé à se préparer mentalement de manière que les cartes d’un paquet, précédemment mélangées par un tiers, se mettent parfaitement en ordre sans qu’il ne les touchent. Puis il m’a brusquement demandé: “Pourquoi Piero Angela m’en veut-il autant? Bien qu’il ait assisté chez moi à des expériences incroyables, il va dire à qui veut l’entendre que derrière tout ce que je fais il y a un truc». Il m’a demandé de lui faire une démonstration de lecture à distance: il a appelé par téléphone un ami qui était à Boston, et lui a demandé d’ouvrir un livre quelconque, moi j’en ai lu à voix haute le contenu de manière qu’Angela puisse à son tour le répéter à celui qui était à l’autre bout du fil pour obtenir une réponse. En plus, l’appel intercontinental m’avait coûté beaucoup d’argent», a-t-il commenté en trouvant une raison d’hilarité au milieu d’autant d’amertume, pour ensuite ajouter: “Qui sait ce qu’Angela aura dit une fois rentré chez lui, quand il a découvert que sur toutes les cartes du paquet qu’il avait dans la poche il y avait ma signature, ainsi que les chèques du carnet qu’il avait dans son portefeuille "».
[Maria Vittoria Trio, championne italienne de saut en longueur] «Un après-midi, il m’accueillit avec un tablier de peintre, car il était en train de terminer une toile représentant un vase de fleurs dont les pétales tombaient sur la petite table, puis il m’invita à m’asseoir à ses côtés. Gustavo, en effet, évitait soigneusement d’avoir son invité face à lui, afin que ce dernier ne se sente pas manœuvré ou influencé par ses yeux pénétrants. “Il y a quelque chose dans ce tableau qui ne me plait pas. Tu ne crois pas que l’ombre de ce pétale est peu réelle? Qu’en penses-tu si je faisais une petite retouche?” “ Tu as peut être raison", lui répondis-je, "même si je ne suis pas la personne la plus adaptée pour donner un jugement pertinent". Le chevalet avec le porte-pinceaux se trouvait à environ deux mètres de nous, non loin de la fenêtre. A un certain moment, dans la pleine lumière du soleil qui illuminait le studio, je vis le pinceau se soulever et faire la modification dont Gustavo avait parlé. Encore aujourd’hui, j’en ai des frissons. Pourtant j’ai toujours été une personne rationnelle, détachée et par nature plutôt méfiante. Ce que faisait Rol me glaçait le sang. Après avoir assisté à des phénomènes comme celui-ci, je n’étais absolument plus en mesure de faire un discours. J’écoutais et c’est tout, je répondais par monosyllabes, je suis restée longtemps secouée, presque bouleversée par ce qui venait de se dérouler sous mes yeux incrédules"».
[Giovanna Demeglio] «Ce dont j’ai été témoin s’est passé en plusieurs occasions chez Rol, et aussi dans mon magasin en via Goito... après l’avoir posé quelque part, Rol me demandait mon avis sur le tableau auquel il travaillait en ce moment. Alors, avec beaucoup de délicatesse, je lui suggérais une petite modification, puis il continuait à parler de tout et de rien en restant bien loin de la toile. Quand notre entrevue touchait à sa fin, en me rapprochant du tableau, je m’apercevais que celui-ci s’était modifié tout seul selon les indications que j’avais données peu avant».
[R:S.] «Nous étions en train d’observer un tableau représentant un vase de roses; Gustavo était assis à quelques mètres du chevalet : à un certain moment, nous nous sommes tous aperçus que le pinceau se déplaçait tout seul pour ajouter sur la toile certains détails importants».
«A un certain moment, sans que Rol n’ait dit ou fait quoi que ce soit, j’ai vu avec certitude un bouchon en liège léviter de la cuisine au salon, où nous étions réunis: nous sommes restés tous littéralement de marbre».
[Carla Rolli Casalegno] «Dans sa maison, outre à Carla, étaient présentes deux autres personnes dont je ne me rappelle plus. Après nous avoir amusés pendant un moment avec les cartes, il dit ouvertement de vouloir se consacrer à la peinture. "Maintenant en un quart d’heure, je vais essayer de faire un tableau". La pénombre était éclairée par une petite lueur, nous étions à ses côtés, et tel un chef d’orchestre, il agitait délicatement la main droite dans l’air, entre-temps le pinceau se déplaçait tout seul en laissant des traces colorées sur la toile. Peu après est apparu un tableau représentant des roses, ses roses».
[Pasquale Pisapia pâtissier] «A côté du comptoir, il y avait un garçon qui tenait sa montre à la main, et, lui, restant à une certaine distance, a fait en sorte que celle-ci disparaisse d’un coup, puis l’a invité à tourner une petite cuillère dans un sucrier. Ce dernier, blanc comme un linge, sans dire un mot, l’a ensuite trouvé au fond, sous une épaisse couche de sucre».
[Chiara Barbieri au restaurant] «J’étais assise à côté de lui, Gustavo avait devant lui une salade, et il lui manquait l’assaisonnement: il a fait claquer ses doigts discrètement, presque sans bruit; un instant plus tard, j’ai vu la salière léviter et arriver sur notre table».
«Il était assis à la même table de restaurant, de ma place je voyais Rol de profil. A un certain moment il a fait passer son bras à travers le mur: d’un côté, je voyais la main et l’avant-bras jusqu’au coude, et de l’autre le bras et tout le reste du corps».
[Delfina Fasano - ex-chanteuse] «Nous étions cinq ou six dans le même appartement de ma sœur Dina, corso Raffaello, assis au bout d’une grande table ovale. Au milieu d’une expérience avec les cartes, Gustavo me dit: «Prends une carte, et mets-la où tu veux». Je la choisis, je me lève, je la place derrière un vase qui se trouvait de l’autre côté du séjour, à au moins 8-9 mètres de nous. Après quelques instants, cette carte, volant littéralement dans l’air, est revenue sur notre table».
Le 10 avril 1980, sur demande de Rol, Giovanni Sesia téléphone à Tullio Regge, candidat au Prix Nobel de physique, pour l’inviter à une soirée en compagnie de l’extralucide. Tout en continuant à se déclarer sceptique face aux pouvoirs de ce dernier, Regge lui avait parlé d’un important cas de prévoyance dont Sesia avait diligemment pris note et qu’il [Regge] nous expose: "Si avant je vous ai dit que d’après moi Rol utilise certaines astuces, je dois toutefois vous raconter un épisode qui m’a surpris. En 1944, un officier de l’Armir faisait la navette entre les partisans et les alliés qui se trouvaient en Suisse, et rejoignait à Zermatt un certain Alan Dulles. Quand il traversait le Plateau Rose, il se cachait le visage pour ne pas bronzer, vu qu’un bronzage excessif aurait pu sembler suspect aux allemands et lui aurait certainement coûté la vie. Un soir, cet officier dînait dans le Val d’Aoste avec d’autres personnes. Personne n’était au courant de ses activités qui, pour des raisons évidentes, étaient tenues secrètes. A un certain moment, Rol commence à dire: «Tu ne parles pas, mais je te sais en danger, je te vois dans une église, et dans cette église il y la mort». Effectivement, le jour suivant l’officier avait un rendez-vous dans l’église de San Filippo avec les membres du Comité de libération nationale. Il n’alla pas au rendez-vous et sa vie fut sauve. Tous les autres furent arrêtes et fusillés au Martinetto. Voilà un homme qui croit en Rol aveuglément».
[Giovanni Paladin - artisan] «Un jour Rol vint au magasin, prit un fragment de cadre d’une longueur de 7-8 mètres environ et dit à l’employé qui se trouvait dans la pièce la plus distante de celle où nous nous trouvions, de faire attention car il lui aurait lancé le bois qu’il avait en main. Ainsi fit-il, jetant avec force dans cette direction, le bout de cadre qui disparut mystérieusement sans faire de bruit. Je me suis déplacé tout de suite dans l’autre pièce, et j’ai vu par terre le morceau de bois qu’il avait lancé peu de temps avant».
[Vittoria Storero] «Un jour dans la pénombre, j’ai aperçu nettement le pinceau bouger tout seul à côté de la toile, alors que Gustavo se trouvait à 3-4 mètres de distance… Une autre fois, je n’ai pas pu me retenir de crier. Une précision: mon mari, du moins les premiers temps, était plutôt méfiant, et n’aimait pas participer aux réunions au cours desquelles Rol présentait ses expériences. Cette fois-là, presque en signe de défi, Gustavo lui dit: «Maintenant, je vais essayer de te dédoubler, de manière que tu puisses voir ton sosie». Nous nous trouvions dans son cabinet, en partie éclairé par quelques lueurs pales. A un certain moment, je me suis aperçue qu’une tête identique à celle de mon mari se déplaçait sur les murs, presque comme un masque sans corps. J’ai crié d’allumer les lumières, ainsi fut fait, et le visage disparut. Je suis convaincue qu’il ne s’agissait pas d’une hallucination, car mon mari, qui n’a pas réussi à fermer l’œil cette nuit-là, a vu la même chose que moi. Il a même dit qu’au moment où son visage s’est dédoublé, il a senti une espèce de choc, comme quand on reçoit une forte gifle».
[G.M.] «On devait être en 1993, je venais d’arriver à Turin pour des raisons professionnelles. Un vendredi soir en plein hiver, mon père et moi avons été invités à une petite fête qui se tenait dans un vaste et élégant appartement de la Crocetta. Les quelque vingt personnes présentes, toutes bien plus âgées que moi, étaient rassemblées autour d’un homme d’un certain âge plutôt grand et très distingué qui avait l’aspect d’un important directeur d’entreprise. Certains l’appelaient maître, beaucoup n’avaient de l’attention que pour lui. Je m’assieds tout seul sur un canapé pour boire quelque chose, cet individu se place devant moi, sur un petit divan qui se trouvait à deux mètres tout au plus, et commence à me regarder. Je bats des paupières, et il disparaît: il était debout, à l’autre bout de ce vaste salon. Quelques secondes plus tard, le temps d’entrouvrir pendant un instant les yeux, il se trouvait là, de nouveau, face à moi, sur le divan. J’ai eu peur, j’ai pensé avoir des hallucinations et avoir bu quelque chose de mauvais. En réalité, je ne bois pas d’alcool et il s’agissait d’un simple coca-cola avec un tranche de citron. Je me suis levé, j’ai salué mon père et le propriétaire de l’appartement, et j’ai préféré rentrer chez moi le plus rapidement possible. Seulement quelques temps après, j’ai compris qui était cet homme étrange».
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