Le Monde, 02/02/2001

 

Deux chercheurs sur la piste de Dieu, au coeur du cerveau humain

par Michel Alberganti

 

Pourquoi bon nombre d'êtres humains continuent-ils à croire en Dieu ? Bien avant Nietzsche, dès la fin du dix-huitième siècle, certains prétendaient, au nom de la science, que la religion était condamnée. Deux siècles plus tard, ni la foi ni les pratiques religieuses n'ont disparu. Ce constat, d'autant plus troublant aux Etats-Unis où les sectes de tout poil prolifèrent, a poussé deux chercheurs de l'université de Pennsylvanie, Eugene D'Aquili et Andrew Newberg, à créer une nouvelle discipline, la neurothéologie. L'hebdomadaire Newsweek indique, dans son édition datée du 5 fevrier, qu'ils s'apprêtent à révéler les résultats del leurs travaux dans un livre au titre évocateur: Pourquoi Dieu ne disparaîtra pas. L'ouvrage, qui sera publié le 3 avril par Ballatine Books, contient un réponse claire: «Parce que le cervau humain a été génétiquement conçu pour encourager les croyances religieuses». Associé depuis 1993 à Eugene D'Aquili, professeur de psychiatrie et antropologue des religions, Andrew Newberg, un neurophysiologiste de trente-tros ans spécialisé dans l'imagerie scanner, sonde les neurones de patients en extase pour y découvrir l'origine de leurs senstions. Pendant deux ans, de 1996 à1998, il a étudié les fonctions cérébrales et les flux sanguins du cerveau de huit bouddhistes tibétains pendant leur méditation. Des nonnes franciscaines en prière ont subi les même tests. Andrew Newberg utilise des marques pour distinguer les parties du cerveau qui sont activées par le processus mentaux ou les actions physiques.

Les chercheurs ont étudié les cerveaux plongés dans ces états mystques à l'aide des images fournies par un tomographe à émission de photons. Sur les clichés de coupes horizontales, les lobe pariétaux postérieurs supérieur gauche et droit affichent des luminosités trés nettement infèrieures à la normale. La méditation mettrait ainsi en veilleuse certains fonctions cérébrales. Or les zones affectées correspondent, selon les scientifiques, au sens de la dichotomie de la personalité, c'est-à-dire à l'aptitude à se distinguer des autre e de l'environnement. La mise hors service de cette fonction expliquerait le sensations de plénitude absolue, de communion trtascendentale avec l'humanité et l'univers généralement associées à une manifestation divine. Un processus semblable expliquerait les transes engéndrees par certaines danses endiablées. L'action sur d'autres zone cérébrales produirait le sentiment de canaliser toute l'energie cosmique...Les expérience mystiques ne seraient ainsi qu'une production du cerveau stimulé par le rites religieux. Prudents, les chercheurs americains, précisaient, dans un article publé le 21 février 1998 par le quotidien The Philadelphia Inquirer, qu'il serait «incensé» de supposer que les visions religieuses «sont réductibles à un flux neurochimique». Leur découverte reste loin, en effet, de répondre à toutes les questions. L'altération du fonctionnement du cerveau est-elle la cause ou le résultat des états de méditation ou de transes? L'organe lui-même et les connections de ses neurones ne sont-ils pas l'oeuvre d'un créateur? Sans répondre à ces interrogations légitimes, les chercheurs américains estiment que le cerveau est programmé pour aider l'humanité à survivre dans un monde cruel en donnent un sens à son existence. Reste à identifier le programmeur.